LA REVUE MOUTARDE

Toujours imprévisible...

 

 

 

N°6

 

 

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Philipe Gourcier, cuisinier-alchimiste

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Sven Nildelberg, philosophe du temps

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Arthur Maiev 

(193?-1966)

Conférence 2

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Notes de lecture : « Le Livre » de Mallarmé de Jaques Scherer

10-04-2.004

 

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La revue Moutarde a la joie de vous présenter la deuxième conférence prononcée par Monsieur le Professeur Eugène De La Foi. Pour ceux qui l’auraient manquée, la première partie est consultable dans le numéro 4 en dernière page. Il est toujours possible de le commander.

Le texte présenté est la retranscription qu’a faite Emmanuel Goudé de cette conférence à partir de ses enregistrements.

 

 

Arthur Maiev (193 ?-1966)

Conférence 2


 

 

Certains biographes n’ont pas hésiter a qualifier la personnalité de Dragan Maiev d’extravagante, voire d’illuminée. Je tiens à vous le dire, la réalité est autre. Néanmoins, pour ne pas nous éloigner du sujet qui nous occupe, je serai bref : possédant de la famille en Hongrie, il choisit alors de s’exiler. Il arrive donc à Budapest dans les années 20. Il loge chez une vieille tante. Très vite, il tisse un réseau de connaissances plus ou moins louches grâce à son métier d’ouvrier. Il rencontre une jeune fille qui l’impressionne : Tatiana. Une blanchisseuse habitant dans son quartier. Ils se lient quelques semaines après.

 

Des lors, il devient difficile de dater les événements qui s’en suivent…mariage, installation dans le quartier moins difficile de Sthona, fréquenté par la bohême de la capitale hongroise d’alors puis la naissance d’Arthur. On perd alors la trace de Dragan et de Tatiana suite a une rixe ayant mal tournée dans un estaminet de Sthona (Dragan aurait tué – selon Arthur – un rival amoureux de Tatiana de condition sociale supérieure et qui n’avait pas supporte de voir l’objet de son amour partir avec un roturier)

 

Ma mère en parlait rarement…de ces situations incongrues…à se cacher comme des animaux traqués…mon père était fatigue de fuir…ses connaissances lui sauvèrent la vie…c’est tout ce que j’ai pu arracher à mots couverts…avant qu’il ne décide de partir pour de bon…

 

(Journal – année 1945)

 

Merci monsieur Collenot. En effet et pour en terminer avec Dragan, il décida de quitter définitivement l’Europe après quelques années, Arthur était un petit garçon et les relations avec Tatiana se détériorait de semaines en semaines. Il embarqua pour l’Amérique au Havre le 17 Juin 1938.

 

Le jeune Arthur nourri de lectures classiques, se lance dans la poésie. Sans le moindre complexe, il tombe dans tous les pièges que lui tend sa grande sensibilité : morbidité précoce, goût pour la contemplation de la nature, rejet de tous sentiments religieux…  C’est aussi une manière de se purger des influences encombrantes dont il s’est imprègne. Les Hugo, les Byron, les Pouchkine, les…

 

Jean Collenot : Oui, il faut dire que le jeune Maiev a été très impressionné notamment par La fille du Capitaine, modèle alors du classicisme Russe.

 

(Un silence – Mr De La Foi fusille du regard Mr Collenot)

 

Ce sera tout Monsieur Collenot ? Merci de votre intervention. J’évoquais donc les influences du jeune Arthur. Les poèmes de cette période étant insipides, je passerais donc à la seconde période de l’adolescence d’Arthur.

 

L’indigent

 

Un reflet d’or

Dans un berceau de sang.

Le chat qui dort

Ronronne comme une enfant.

Un sourire, une rune,

Une flamme dans le sommeil

De la lune

 

(La Plume et le Vagin, 1940)

 

J’en vois qui étouffent gauchement une envie de ricaner. Ce doit être à l’énoncé de ce fameux titre, une véritable audace a l’époque. Dans ce recueil, assez bref (55 pages pour l’édition expurgée, 68 pour l’édition normale), Arthur Maiev décrit ce qu’il appelle ses ‘’propres transversales’’, les piliers de sa sensibilité : il se contemple dans les yeux de sa voisine, il poursuit un chien dans une ruelle, il se gratte les bras jusqu’au sang…il passe aussi par la traditionnelle phase suicidaire, classique mais toujours délectable chez un poète.

 

Une corde et un froid

Qui transperce la nuit.

Une corde pour en finir avec la vie.

Une corde en un joyeux lavis.

 

L’anaphore fameuse de ce quatrain bancal, sublime écho au funeste destin de Gérard De Nerval, révéla aux exégètes de l’époque une affinité particulière pour le macabre et la splendeur sibylline d’un trépas violent.

 

Quelques mois plus tard, le jeune Arthur soumet ses écrits à des amis de l’université de Budapest. En grande partie des étudiants en Histoire. Il se lance alors dans une biographie de Béla Kun et de Cromwell (inachevée). Il réalise son premier grand voyage en allant au Danemark avec ses nouvelles fréquentations universitaires. Il en résulte un très beau Journal de Voyage.

 

Les aurores danoises sont lentes à venir. La lumière tamise, feutre le ciel d’une caresse orangée, puis rosâtre. Une teinte pourprée enveloppe les nuages. Le froid de la rosée se dépose sur notre peau. Nous contemplons la nature. Nous prenons nos affaires. Aujourd’hui c’est un tour en bateau qui nous attend. Le marin a l’air kadjik

 

(Été 1943)

 

NDT : le terme hongrois Kadjik est intraduisible, mélange de rusticité, de bon sens populaire et de bonhomie gaillarde ; adjectif que l’on attribue le plus souvent dans une optique dépréciative.

 

 

 

(A suivre)