LA REVUE MOUTARDE

La revue qui avance comme un train dans la nuit.

 

 

 

N°4

 

 

Page 1

Stéphane Deschamps, l’éternel recommencement.

Page 2

Darren Turner :

L’écriture par les chiffres

 

Page 3

Gerard Bolki : Une mort anoncée

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Arthur Maiev
(193?-1966)

Conférence 1

08-07-2.004

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La revue Moutarde, toujours soucieuse d’offrir à ses lecteurs ce qui se faite de mieux en matière de littérature vient de prendre encore un wagon d’avance à ses concurrents. En effet, nous avons récemment reçu l’excellente nouvelle que les affaires de propriété intellectuelle qui s’opposaient à la publication du document qui va suivre venaient de tomber comme par miracle. Nous avons donc le privilège d’offrir à nos pugnaces lecteurs un texte aussi rare que précieux. Il s’agit d’une transcription de la série de conférences prononcées par le professeur Eugène De La Foi, spécialiste de réputation mondiale de la littérature russe, assisté de monsieur Jean Collenot, une des gloires montantes du théâtre français, qui lira magnifiquement les poèmes quand cela sera nécessaire. Faut-il préciser que cette série de conférences n’est autre que celle que le professeur avait consacré à Arthur Maïev, alors quasi-inconnu en France et qui jouit depuis de la célébrité que l’on sait. Nous tenons à remercier Monsieur le Professeur De La Foi et Monsieur Jean Collenot pour nous avoir autorisé à publier une transcription de ses textes pour une somme plus que modique. Enfin, notre reconnaissance va à Monsieur Emmanuel Goudé, qui eut le bonheur d’assister aux conférences et qui, pressentant qu’il assistait à une date majeure de la critique littéraire, prit grand soin de se munir du matériel nécessaire à l’enregistrement. Il a accepté de retranscrire gracieusement ses enregistrements pour la Revue Moutarde. La publication de cette admirable série de conférences s’échelonnera sur plusieurs numéros à raison d’une conférence par numéro. Voici donc la première de ces conférences.

A déguster sans modération…

 

 

Arthur Maiev (193 ?-1966)

Conférence 1


 

 

Conférence donnée le 23 Mars par Eugène De La Foi, professeur de Littérature comparée, assiste de Mr. Jean Collenot, acteur, pour la lecture d’extraits.

 

Esquisses :

 

Ce n’est pas avec certitude que l’on positionne la date de naissance d’Arthur Maiev. Il serait venu au monde probablement au milieu des années 30 a Budapest (l’administration hongroise d’alors négligeait assez la tenue des registres de naissance). Sa mort, survenue dans des conditions mystérieuses (par pendaison à un réverbère de la perspective Nevsky à Saint Petersbourg) peut néanmoins être datée précisément. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

 

Les premiers poèmes de Maiev, aux alentours de sa quatorzième année font état d’un romantisme exacerbé : pessimisme bon marché et procédés d’écriture simplistes en sont les principaux traits.

 

Je contemplais les cieux

J’oubliais la ville

Quelque chose prenait feu

Sur une mélodie gracile

 

(Carnets 1)

 

La chair et sa carnation olivâtre,

Burinée, râpeuse, violacée…

Je voulais la voir pourrir dans l âtre,

Qui, d un bûcher, l’aurait enlacée…

 

(Carnets 3)

 

Les recherches effectuées sur ses jeunes années budapestoises ont permis de définir un emploi du temps relativement satisfaisant sur une période de 3 ans. Tout d abord, l’incident reste fameux : le jeune Arthur  (approximativement 12 ans) découvre les œuvres de Rimbaud dans la bibliothèque familiale. Il se prends alors de passion pour la poésie et dévore le reste des ouvrages. Autrefois, lorsque son père était encore présent au foyer, la lecture des livres de la grande bibliothèque lui était défendue, ce qui a sans doute contribue à exciter la curiosité du petit Arthur.

 

Je n ai jamais – à proprement parler – repensé à ce moment…ce moment où, petit garçon j’ai saisi Une Saison en enfer…pourquoi celui la ? A cause de notre prénom commun sans doute ? Ce fut ma première relation charnelle avec un livre…et quelque chose de magique me fut transmis par ces figures encrées, ces points, ces courbes, ces traits…

 

(Journal – année 1949)

 

Son père parti, il lui a fallu trouver un métier rapidement afin de subvenir aux dépenses que sa mère ne pouvait plus contenir. Il lui a fallu aussi vendre le lot de livres familial, véritable trésor ayant appartenu a son père, alors disparu. C’est ainsi qu’il apprit a écrire et à rédiger à une prodigieuse allure, car il recopia tous les livres (plus de 80) qu’il lui fallait vendre peu de temps après. Cette obsession de la sauvegarde d’un moment fugitif, cette terreur du tempus fugit ne le quittera plus (il aura même le toupet de demander - après s’être séparé -  à sa première fiancée les lettres qu’il lui envoya jadis). Mais laissez moi vous parler un peu de son père, personnage fantasque s’il en est.

 

Dragan Maiev.

 

D’origine russe, Dragan Maiev fraya dans ses jeunes années avec les dissidents du communisme. Ses compagnons constituaient une frange réduite d’aristocrates déchus traînant en plus dans leurs sillages d’anciens valets et subalternes des tsars, tous ceux, pour ainsi dire qui avaient pu échapper a la terrible répression encore toute récente. Il apprit à vivre dans les bas-fonds de la clandestinité, à quémander et à voler. Considéré par les services de renseignement comme un inoffensif traîne-savate, il franchit une autre étape en participant à la mise à sac d’un orphelinat de Smolensk. Il justifiât l’attaque en expliquant poliment aux policiers que les orphelins étaient les rejetons du Malin, qu’il avait vu leurs vrais visages en rêves la veille et qu’il s’était procuré un fouet a traîneaux de loups dans le but de ‘tanner la couenne de ces vils pourceaux’. Il sera libéré peu de temps après avec l’injonction de quitter le pays séance tenante.

 

 

(A suivre)