LA REVUE MOUTARDE
La revue sur le qui-vive
N°7 |
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Le Code Voynich : le manuscrit le plus mystérieux du monde ? |
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L'éditeur Gawsewitch a publié il y a quelques mois un livre intitulé le Code Voynich et sous-titré « le manuscrit le plus mystérieux du monde ». Il affirme que ce livre n'est sorti que maintenant parce que l'université de Yale, qui le possède vient tout juste de numériser le manuscrit reproduit. On peut se demander si cela n'a pas un rapport avec le succès incroyable du Da Vinci Code. Le livre publié se compose d'un avant-propos de l'éditeur, d'une préface et enfin de la reproduction intégrale du document.
Le Code Voynich en lui-même est composé d'un ensemble de feuillets reliés entre eux et surtout écrit dans une langue inconnue et accompagné de nombreuses illustrations de trois genres : certains ressemblant à des cartes du ciel, d'autres présentant toutes sortes de plantes et enfin, les troisièmes et les plus curieuses montrent des femmes se baignant dans un curieux réseau de baignoires, de douches et de tuyaux. La préface retrace les circonstances supposées de la découverte du document. Voynich, un aventurier d'origine polonaise affirme l'avoir découvert dans la bibliothèque d'un couvent italien qui lui avait confié la tache d'en examiner le contenu. Le problème étant que Voynich était un escroc avéré et que la moindre de ses affirmations doit être examinée avec la plus grande précaution. La préface elle aussi, prend un soin malin à brouiller les pistes en présentant sur le même niveau affirmations vérifiées et propos rapportés et parfois intéressés.
En effet, pour Voynich, il est capital que ce manuscrit en possession duquel il est entré soit de grande valeur. De ce fait, il va longtemps chercher à en attribuer la paternité à Bacon, hypothèse qui sera démentie plus tard mais qui servira tout de même de point de recherche à plusieurs chercheurs. On ne sait finalement rien avec sûreté du manuscrit, aucune analyse scientifique n'ayant été pratiquée pour dater par exemple le papier ou l'encre. On ne saurait insister suffisament sur ce point. Comment imaginer qu''une personne qui veuille réellement percer le secret de ce texte n'ai commencé par ces analyses? On en concluera ou pas que l'on pas vraiment cherché à mettre toutes les chances du côté d'un décodage du texte, Il n'y a en cela rien de répréhensible, le mystère du texte étant plus attractif que sa solution. On peut cependant reprocher aux éditeurs de cette version de forcer le trait en ce sens. Il le présentent comme une énigme à résoudre pour le lecteur et insistent sur le fait qu'il est souvent arrivé qu'un indidu amateur soit parvenu à expliquer ce qui était un mystère pour un bataillon de chercheurs... D'ici à affirmer que le code est en réalité le sudoku le plus complexe du monde...
Si cela consitue surtout un argument commercial, on ne peut dénier que ce mystère entretenu a porté ses fruits. Il s'est créé une communauté de chercheurs de sens autour de ce livre dont les membres s'appellent les Voynicheros. Il faut reconnaître que le manuscrit a de quoi susciter la fascination. La graphie, proche de la notre pour certains signes, semble toujours sur le point de révéler son sens et certaines des illustrations sont superbes. L'idée d'un société d'amateurs cherchant à percer le secret d'un livre qu'ils n'ont jamais tenu entre leurs mains a aussi quelque chose d'émouvant. La préface nous parle de nombreux clubs de cryptographie qui le prirent comme objet d'étude. On peut imaginer que plusieurs sont décédés sans avoir pu lire une seule ligne de ce manuscrit après s'être réuni entre amis chaque mois pendant des années,
Enfin, comment ne pas penser que ce document est d'une certaine façon le degré zéro du livre. Ecrit par on ne sait qui, on ne sait quand, ce livre lève une foule de questions auxquelles il est impossible de répondre. La préface ne fait que les énumérer les unes après les autres, les présentant sur le même plan, sous le prétexte sans doute qu'aucune n'étant vraie avec certitude, toutes peuvent l'être.
Le lecteur est face un objet dont il sait comment il s'utilise, mais ne peut le faire fonctionner. Ce livre est juste à la limite entre le connu et l'inconnu qui rend fascinant. On sait par la disposition des caractères et leur répitition qu'il s'agit d'une écriture, mais on ne sait pas ce à quoi elle correspond bien que certaines lettres se retrouvent dans notre alphabet. On est devant ce texte comme devant une machine dont on connaît la fonction mais dont on ignore comment la mettre en marche.
Quant aux illustrations, on identifie chacun des éléments qui les composent, mais on ne saurait dire ce à quoi ils renvoient. Que font ces femmes dans ces baignoires? Quelles sont exactement les plantes représentées? La « lecture » de ce livre fait naître des questions qui ne trouvent pas de réponses et qui pourtant ne désespèrent pas le lecteur, mais lui donne envie d'en chercher la réponse dans les pages mêmes. Envie sans doute illusoire, puisque contrairement à ce que l'on aimerait, il faudrait pour cela faire entrer des éléments extérieurs. Le lecteur amateur coninuera donc à feuilleter les pages richement illustrées et à scruter la belle graphie en espérant qu'elle se mette un jour à lui parler. Il aura sans doute raison de procéder de la sorte car aujoud'hui, les belles énigmes sont plus difficiles à trouver qu'à résoudre.
Emmanuel Héron