LA REVUE MOUTARDE

La revue qui traque les nouvelles littératures

 

 

 

N°1

 

 

Page 1

Compte rendu de l’assemblée générale tactiliste

 

Page 2

Entretien avec Marthe Demobeuges

 

Page 3

Hommage à Gérald Sommelier

 

Page 4

*Notes de lecture : Crimes exemplaires de Max Aub.

*La revue Moutarde.

 

06-01-2.004

 

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Un livre :

Crimes exemplaires de Max Aub.

 


« Je l’ai tuée pour ne pas lui faire de peine »

Max Aub, Crimes exemplaires

 

 

Max Aub (Paris, 1903 — Mexico, 1972), écrivain espagnol a été un peu redécouvert l’an passé à l’occasion du centenaire de sa naissance. Pour nous, nous ne le connaissons qu’à travers Crimes exemplaires, un petit livre réédité par Phébus.

Né en France de père allemand et de mère française, Max Aub et sa famille sont contraints de quitter la France au début de la première guerre mondiale. C’est son premier exil. Il fait ses études et ses premières armes en tant qu’écrivain à Valence dans la revue Verdad.

Il côtoie les grands noms du surréalisme espagnol, Bunuel, Dali, Miro ou Picasso.

En 36, commence la Guerre d’Espagne. Max Aub s’engage du coté des républicains et c’est dans ces circonstances qu’il rencontre Malraux. Il sera co-scénariste de L’Espoir. Sous commissaire du pavillon espagnol de l’exposition universelle de Paris, il commande à ce titre Guernica à Picasso en 37.

Devant quitter l’Espagne après la victoire de Franco, il s’installe en France mais pour une courte durée. Après la défaite contre l’Allemagne, il est interné et relâché à trois reprises au camp de Vernet en tant qu’ « israélite, communiste notoire d’activités dangereuses, puis à celui de Djelfa, dont il parvient à sortir grâce a ses relations avec un consul mexicain.

Il quitte alors l’Europe et va s’installer à Vera Cruz en 1942.

Après un douloureux passage dans les camps français, il s'installe définitivement au Mexique, en 1942. C’est là qu’il rédige la majeure partie de son œuvre, que nous n’avons pas lue et dont nous ne pouvons pas parler sinon en recopiant ce que vous trouveriez en faisant une recherche sur d’autres pages internet.

Il reviendra en Europe, en France et en Espagne des années plus tard.

Il meurt à Mexico en 1972.

 

Voila pour sa vie, qui ne nous éclaire pas beaucoup sur le livre dont il est question, même si l’auteur prétend qu’il ne s’agit que d’un recueil de témoignages. Il faudrait être bien naïf pour croire une telle affirmation. En effet, il s’agit de l’aveu par environ deux cent personnes de la raison pour laquelle elles ont commis un meurtre. Par exemple « Le pauvre, il était si laid que chaque fois que je le rencontrais, c’était comme une insulte. Il y a des limites à tout. ». Ou encore « Je l’ai tué parce que j’étais sur que personne ne me voyait. » Sur cent vingt pages, des confessions de la sorte se succèdent. Ce livre curieux produit plusieurs effets, curieux eux aussi, sur le lecteur. D’abord on est étonné de pouvoir comprendre le raisonnement des narrateurs. Tout lecteur suivra la logique qui unit les deux membres de phrases. La cause, énoncée sur le ton de l’évidence parait logique, compréhensible. Pages après page, on accepte les raisons qui ont poussé la personne au  meurtre et l’on s’identifie bien plus au criminel qu’à sa victime ou au confesseur supposé.

 

L’aridité du propos, l’absence totale d’explication ou d’intention affichée par l’auteur est pour beaucoup dans le trouble que l’on ressent à la lecture de ce livre. C’est sans doute là la raison pour laquelle Max Aub avait présenté ce texte comme un document et non comme une fiction. Il ne s’agit pas d’une simple dénonciation d’une société violente, ou d’une société apparemment civilisée mais qui aurait gardé en profondeur ses instincts primitifs. Il n’y a que cela : un crime, une cause, une conséquence. Plus de deux cents crimes, certains accidentels, d’autres pas, pour des raisons toutes plus minimalistes les unes que les autres. Et à chaque fois, le lecteur comprend l’assassin. Parfois au point de se dire « à sa place, j’aurais fait pareil ». Et par-dessus cela, l’indifférence de l’auteur qui semble avoir écrit sans même y penser et qui pourtant a forcément du déployer toute son imagination pour trouver deux cents raisons de tuer son prochain. Il a d’ailleurs éliminé toute cause  par trop logique (on était en guerre, il portait un uniforme différent alors je l’ai tué) ou trop spectaculaire (il voulait épouser ma fille). Il n’ y a que des causes banales, ces choses que l’on subit tous les jours avec agacement mais, bien sur, sans songer à tuer pour autant. Telle personne  parle fort, telle autre a mauvaise haleine, telle autre fait toujours la même mauvaise blague…  On finit forcément par se demander ce qui fait que nous ne tuons par cette personne qui mange bruyamment, puisqu’on la voit tous les jours et que l’on comprend les gens qui le font pour la même raison. Max Aub ne fait pas même semblant de donner une réponse, et c’est là sans doute la grande force du livre. Je l’ai tué parce que je l’ai tué.

 

Ce petit livre est une sorte d’anti-roman policier, deux cents crimes, élucidés ou non, accompagnés d’une raison si idiote qu’un Sherlock Holmes ne la trouverait jamais. Et quand on a fini le livre, on se demande « pourquoi a t’il écrit ce livre ? Qu’est-ce qu’il a voulu dire ? ». A mon avis, la réponse est qu’il a écrit le livre parce que je le lirai. Moi lecteur, j’ai pris du plaisir à lire le récit de deux cents meurtres sans effet de littérature. Des meurtres à l’état brut, en en trouvant certains décevants, d’autres particulièrement réussis. Et je me retrouve à la fin de la lecture aussi perdu qu’au début. La réponse pourquoi est-ce que l’on tue n’obtient finalement aucune réponse, et c’est sans doute cela que recherchait Aub.

 

Emmanuel Héron

 

 

Vous arrivez au terme du premier numéro de la revue moutarde. Nous espérons que cela vous a plu. Le deuxième numéro doit dors et déjà être disponible. Nous vous déconseillons toutefois de le lire dès maintenant, il risquerait de vous lasser.


Nous pensons que vous avez à présent compris le principe de cette revue. Si vous êtes intéressés, soit pour lire les prochains, soit pour collaborer, faites nous le savoir. Nous pourrons ainsi vous prévenir lorsqu’il se produira quelque chose sur le site ou intégrer vos textes.

 

La forme de cette revue sera forcément amenée à varier dans les prochains numéros, alors, si vous avez des suggestions ou que vous avez des textes à publier qui ne peuvent être publiés dans la revue sous son format actuel, nous sommes à votre écoute.

 

Merci de nous avoir lus jusqu’au bout.

 

Le comité de rédaction