LA REVUE MOUTARDE
N°12
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La confrérie des Jalembotes |
Deuxième partie |
Lille - 1931 :
Le premier continuateur de l’œuvre de De Mazarin : Jacques Feral, universitaire besogneux originaire de Besançon, propose une étude de ses travaux sur le mot et la langue. Il cerne en particulier la notion, très discutée par la suite, de "commissure narrative", la ou, selon lui, se fractionne "l’indicible du mot".
Il établit aussi une première communauté officielle en hommage au travail de De Mazarin. Ce sont ses fameux "dimanches matins" qui rassemblent une poignée d’esthètes. Réunis autour d’un thé, ils devisent avec passion et, par beau temps, achèvent le débat d’une partie de Badminton. On parle, dans les milieux intéressés, de Mazaristes dévots.
1947 :
La Controverse de Zurich survient. Dans un hebdomadaire littéraire Suisse, un érudit Autrichien, Harold Verfner remet en cause la singularité de l’Oeuvre de De Mazarin. Il destitue dans son article le génial faussaire de la Grammaire Française ; celui qui a trahi la langue si pure et raffinée de Corneille pour la fange immonde d’un Mallarmé.
La réponse de Feral ne tarde pas et ce, sous la forme d’une cinglante Lettre Ouverte à Verfner.
Monsieur Verfner, vous semblez nourrir quelque aversion pour De Mazarin et son œuvre. Malheureusement pour vous, votre "production", tissu d’insanités a l’endroit de ce bienfaiteur de la langue Française, se révèle fragile de par ses arguments peu étayés et non suivis d’exemples concrets. Par ailleurs, des fragments fourmillent de contre vérités (le Duc de Chatelleraut n’a jamais entretenu de correspondance avec De Mazarin et les Stances a Vladimir symbolisent la métaphore de la relation entre adverbes et adjectifs qualificatifs et non une glorification de l’amour physique dans les casernes de Sibérie). L’effort de documentation ne suffit pas, hélas, à atténuer la médiocrité de l’ensemble. Ainsi, je vous invite à relire plusieurs fois Héliocentrisme et Grammaire. A titre personnel, j’en lis une vingtaine de pages par jour et j’y découvre encore de nouveaux éléments.
Bien a vous,
Jacques Feral.
NB : Vous évoquez, si j’ai bonne mémoire, le "traître a la langue française", mais je crois savoir que votre grand- père, Reinhardt Verfner, lieutenant dans l’armée Autrichienne, a été passé par les armes pour avoir procuré aux généraux Prussiens quelques renseignements stratégiques avant la tragédie de Sadowa ? Vous le voyez mon cher Harold, l’emploi de ce terme a été bien malheureux.
1960 :
Le Jalembotisme connaît une crise sans précèdent. Une guilde dissidente se forme au sein même des réunions de la Confrérie. Les renégats prônent une vision plus poétique de De Mazarin et une interprétation moins cadenassée de sa Grammaire Spéculative. Le chef des rebelles, Alfred Mortalembert ira même jusqu'à faire irruption en plein débat sur le plateau de la BBC le 28 août alors que Feral répondait aux questions des journalistes.
Etant poussé dans ses derniers retranchements, Feral propose un duel a mort. La confrérie toute entière se concerte et décide des armes. Les adversaires devront choisir entre une épreuve de rapidité portant sur l’un des 100 Mots Croisés (édition septembre) de Mandarin Pollux, un grand nom de la discipline, originaire Du Mans, et une confrontation directe portant sur la version la plus récente du Scrabble. Mortalembert remporte le tirage au sort et opte pour le Scrabble, un jeu dans lequel il excelle depuis son plus jeune age.
La partie se tient dans une salle du Sénat spécialement requise pour l’événement (Jacques Chaban Delmas, un ami personnel de Feral et admirateur de De Mazarin aurait intercédé). Tous les jalembotistes suivent les hostilités sur place, impatients de connaître l’issue de la rencontre. Feral, à la septième minute de jeu, place un V O Y O U qui déclenche un murmure de satisfaction dans les rangs de ses fidèles. Mortalembert ne se démonte pas pour autant et contre-attaque par un triple B I Z A R R E. La tension est à son zénith lorsque Feral, à douze lettres restantes dans la besace, foudroie son ennemi d’un X Y L E M E comptant double au Y. Un coup plus tard cependant, Mortalembert retourne la situation à son avantage par un extraordinaire Z W A N Z E R mystifiant littéralement son adversaire et provoquant une bronca dans le public.
ND CL : (Le Petit Larousse Illustre) : Zwanzer (mot Bruxellois – Blaguer, Plaisanter)
Feral accepte la défaite et renonce à gouverner la Confrérie, laissant la place vacante aux ambitions de son rival. La postérité retiendra aussi que des plaintes ont été déposées et un recours en justice demandé pour l’emploi d’un terme d’origine belge et, de fait, non acceptable dans le cadre de pareille joute littéraire.
Quelques semaines plus tard, Alfred Mortalembert, nouveau Basileus Jalembote, prend toute une série de mesures en vue de sortir la Confrérie de l’anonymat. Il commande a Robert Charlebois une chanson pour en faire un hymne a la Grammaire (l’artiste ne donnera jamais suite a son appel). Mortalembert multiplie les conférences et les entretiens, il prend un Perrier avec Sartre au Café de Flore et écrit aussi un scénario de moyen-métrage sur la vie de De Mazarin (il songe a Klaus Kinski dans le rôle principal). Il essuie des refus de plusieurs réalisateurs dont Claude Sautet ou encore Jean Luc Godard. En désespoir de cause, il envoie son projet à Pasolini qui se déclare intéressé. Malheureusement, des difficultés de financement s’interposent et Mortalembert doit renoncer.
(Fin
de la deuxième partie)
Une enquête de Célestin
Loynac.
Mise en mots par Emmanuel Goudé.