LA REVUE MOUTARDE |
La revue qui avance comme un train dans la nuit. |
N°9 |
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08-07-2.004
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Arthur Maiev (193 ?-1966) Conférence 5 |
Conférence donnée le 23 Mars par Eugène De La Foi, professeur
de Littérature comparée, assiste de Mr. Jean Collenot, acteur, pour la lecture
d’extraits.
Il est avéré
qu’Arthur Maiev a commence la rédaction de son œuvre majeure : Les silhouettes en septembre
48 ; un chantier d’écriture qui l’occupera pendant 4 longues années pour
aboutir à ce roman de 350 pages traitant d’une romance impossible entre un
soldat napoléonien et une courtisane prussienne. Les fameux passages décrivant
la bataille d’Austerlitz et le massacre de Plouzkov
figurent aujourd’hui en bonne place dans les anthologies et il est coutume de
dire que le portrait de Katarina, l’héroïne
romantique, est un des plus beaux de la littérature d’Europe de l’est. Soyez tranquilles, je vous ferai grâce des
passages les plus célèbres que vous connaissez déjà certainement. L’intérêt de
cette conférence étant de mettre en perspective des aspects méconnus de Maiev.
On a beaucoup devise
sur le talent soudain de romancier qu’il révéla avec Les Silhouettes après toutes ces
années de poésie. Mais il est un élément de la sensibilité Maievienne
que la postérité a occulte : sa propension à illustrer de fameuses toiles
de maîtres. Ainsi, la première transparence, comme se plaisait-il a les nommer lui-même (transparence des
mots qui pourraient s’apposer sur la peinture et s’intégrer de manière
parfaite).
Carpaccio – Saint Georges combattant le dragon (annexe numéro 1 du fascicule distribue
en ouverture de session) – Scuola di San Giorgio, Venise
Quand il transperce l’écaille grevée de
bubons sanieux du monstre, le cheval se cabrant, la lance ensanglantée, c’est
un champ aux dépouilles broyées. La figure céleste se recueille, dans le
prolongement de la lame et appuie son tranchant d’une aura divine ; la
pointe ressort, parsemée de dorures écarlates.
Un de ses premiers
textes décrivant une toile. D’autres suivront : L’Ecole
d’Athènes
de Raphaël, Les
Repasseuses
de Degas, et même L’Ile des Morts d’Arnold Bocklin
(Francis Ford Coppola aurait même failli utiliser ce dernier texte pour
ouvrir Apocalypse Now).
1952
Après quelques mois
d’incertitudes quant à l’issue de son roman (qu’il réussira finalement à
publier grâce à de vieilles accointances universitaires), Arthur acquiert un
semblant de notoriété. Les bonnes
feuilles
de son roman sont publiées dans deux quotidiens nationaux et il est invité à
plusieurs reprises à la radio. Un succès sans précèdent en Hongrie pour un si
jeune écrivain.
Arthur délaisse alors
la poésie pour se consacrer à quelques essais plus ou moins imaginatifs ;
toujours brefs (le plus long ne dépasse pas 25 pages) et originaux (De la Fermentation des pessaires, Essai
contre la tyrannie du temps, Apologie du massacre animal), Arthur se
constitue petit à petit une frange non négligeable de séides, en particulier au
sein du milieu universitaire.
Pourtant, et je ne
m’étendrai pas sur le sujet, Arthur se sent seul, isolé spirituellement face à
ces jeunes étudiants proclamant leurs admirations, ces maîtres de conférences
fats et flagorneurs, sans compter ces pseudo journalistes à la solde du
pouvoir. Il livre une poignante confession le 30 novembre 1952.
Aida…le démon à la crinière cuivrée de
la rue Kranckizs…et elle se gausse à mes épanchements lyriques, à mes fulgurances
astrales !! Pourquoi lui avoir donné mes vieux disques de Liszt ?
Elle ne les écoute pas…pourquoi lui sacrifier ma peine et mes écrits ?
Pourquoi ? Que m’arrive t-il ?
En effet, Aida O’Leiney-Sarvanis, jeune nymphomane de 26 ans, fait le
commerce de ses charmes dans les artères les plus sordides de la capitale
hongroise. Issue d’une soûlographie entre Shawn O’Leine, lieutenant de marine
originaire de Dublin et Kevas Sarvanis,
alors adolescente arménienne arrivée a Budapest avec sa famille fuyant le
génocide turc.
Arthur met
quotidiennement à l’épreuve sa santé, pourtant fragile, à courtiser Aida.
Fascine par son étrange corps ‘’constellé d’étincelles rousses, petites étoiles
de feu, sur sa peau brune’’. Mais Aida, cruelle, joue avec ses sentiments, un
jour attentionnée et réceptive, le lendemain, dédaigneuse et sarcastique. Cette
‘’pantalonnade obscène’’ cesse au bout de quelques mois. Durement éprouvé,
Arthur confie à son journal qu’il ne veut plus entendre parler ‘’ni de galbes,
ni d’humeurs, ni de bluettes’’. Il finit de se mortifier dans un salmigondis
quelconque et tout a fait typique de l’amant éconduit.
Je défèque ma contrition en un cadavre
exsangue aux veines écumantes de bile !
Cette succube m’a transpercé.
Ce sont des convulsions qui agitent
ainsi ma bouche.
Elle ne veut pas y croire.
Elle ne veut pas renoncer.
Et j’hésite entre haïr ou pardonner.
Encore une fois.
Pour elle.
Et sa peau.
Sa douce aurore orangée.
(Brouillons)
Maiev s’isole un peu
plus du monde des vivants en déménageant à Kaxotie ;
dans la province voisine de Budapest. Même s’il reste en contact avec son
éditeur et quelques têtes pensantes de l’intelligentsia du moment.
(A suivre)